par Corine Girieud
— Corine Girieud (http://corine-girieud.blogspot.fr) est docteure en histoire de l’art contemporain et enseignante à l’École supérieure des beaux-arts de Montpellier Agglomération. Son travail personnel porte sur les revues d’art des années 50 (Art d’aujourd’hui et Cimaise) et, plus spécifiquement, sur les liens qu’elles permettent de tisser entre l’art et le public. Ses articles sont régulièrement publiés dans la revue scientifique La Revue des revues. Parallèlement à ses activités en histoire de l’art, elle exerce la critique d’art depuis 1998. —
L’objet de notre recherche se concentre sur 36 numéros constitutifs de l’ensemble des parutions d’un périodique : Art d’aujourd’hui (1949-1954). Ce dernier n’est plus en devenir ; en conséquence, la somme de ses 36 livraisons forme un tout que l’on peut appréhender dans sa globalité. Sur un rayonnage de bibliothèque, il s’agit d’un volume carré de 24 x 31 cm x 12 cm d’épaisseur. L’important est bien sûr ailleurs, mais avant de tourner les pages d’Art d’aujourd’hui et de s’y plonger, il est plaisant de rappeler le peu de volume qu’occupe cet objet d’étude à l’aune de l’étendue des champs qu’il ouvre à l’exploration.
Il n’est pas sûr qu’Art d’aujourd’hui soit plus une revue[1] qu’un magazine[2]. Les terminologies de chacun ne permettent pas de trancher. Comme un magazine, Art d’aujourd’hui propose une publication périodique, attache de l’importance à l’illustration et cible son lectorat. C’est d’ailleurs peut-être ce lectorat très ciblé – jusqu’à la spécialisation – qui ferait entrer le périodique dans la catégorie des revues. Il reste également probable qu’Art d’aujourd’hui évolue vers le statut de revue – terme plus valorisant car l’autorisant à s’inscrire dans le temps – parce que devenant, aujourd’hui, 60 ans après la parution de son premier numéro, un sujet d’études. La salle que lui a consacrée le musée national d’Art moderne (MNAM) durant l’année 2008 vient affirmer ce statut autant qu’elle confirme l’intérêt d’Art d’aujourd’hui en tant que traces, sources de l’histoire de l’art et des idées.
La revue a donc déjà été exposée dans le sens premier de ce terme où elle a effectivement été montrée. Elle l’a été, qui plus est, dans le contexte prestigieux des collections permanentes du MNAM. Il nous semble cependant qu’elle n’a pas pour autant fait l’objet d’une exposition, qu’elle n’en a pas été le sujet ; l’événement de 2008 la reléguant au statut de fil conducteur. L’accrochage des collections s’organisait, en effet, cette année-là, autour d’organes de presse emblématiques de chaque période présentée. Art d’aujourd’hui n’était pas au cœur du propos – sa ligne éditoriale et ses actions ne se trouvaient pas au cœur de l’accrochage – mais constituait le maillon d’une prise en compte plus globale du rôle de la presse dans l’actualité et l’histoire de l’art, si ce n’est, le maillon offrant une occasion aux collections de la bibliothèque Kandinsky, centre de documentation et de recherche du musée, de sortir de leurs réserves.
Il faut préciser ici que le propos des rédacteurs[3] d’Art d’aujourd’hui ne se résume pas à la défense d’une chapelle esthétique, l’abstraction géométrique ; il y a une forte dimension sociale dans les ambitions affichées par la revue – ce qui, du reste, a constitué l’essentiel de notre intérêt a priori au point d’y consacrer une thèse. Le rôle que se donnent les rédacteurs, en effet, est de faire un tri, de clarifier la situation artistique afin de répondre à cette volonté d’un plus large accès à la connaissance. Étudier cette revue s’entend, selon nous, comme une volonté d’expérimenter des formes de transmission ; c’est simultanément travailler un contenu et une manière de le partager. Cela nous a menée à proposer au sein même de la thèse, différentes manières d’appréhender un périodique. Le point de vue historique, s’il était indispensable, reste le plus évident pour une historienne de l’art et de la culture. Se sont ajoutées des analyses des textes critiques et journalistiques, une réflexion sur l’évolution des mises en pages de la revue, mais également une étude statistique accompagnée de courbes et de graphiques, ainsi que l’élaboration de son index à multiples entrées. Ce regard pluriel nous pousse aujourd’hui à sortir du cadre des pages universitaires.
La question que nous tentons d’éclaircir ici est la pertinence et la manière d’exposer une revue en tant que sujet même et non pas seulement comme source, et plus spécifiquement Art d’aujourd’hui. Cela en prenant en compte le fait que notre volonté est également de montrer l’intérêt de travailler sur et à partir de la presse, et, conjointement, d’apporter un éclairage sur ce que peut être le travail de l’historien. Soit : exposer un objet, les questions qu’il soulève et une méthodologie.
Transmettre une revue vivante
La difficulté à exposer une revue réside dans la nécessité temporelle qui est celle de la lecture ; problème rencontré dans toute exposition de livres. L’autre rapport au temps est la périodicité de la revue qui l’inclut dans une époque, dans une actualité et son évolution, mais aussi dans l’évolution de la revue elle-même. Ainsi, les questions que soulève l’exposition d’une revue pourraient être : comment d’une part, faire comprendre du contenu (textes et images / fond et forme) sans donner le temps de la lecture et, d’autre part, comment montrer la cohérence d’un ensemble, son évolution, tenter de définir une ligne éditoriale ? Cela est d’autant plus complexe que cette dernière peut s’élaborer a priori, comme elle peut se dessiner au fil des numéros, quand ce n’est pas a posteriori[4]. Il devient nécessaire ici, dans un premier temps, de poser les éléments qui forment un périodique : l’histoire de sa genèse et son évolution, ses rédacteurs et son comité, ses rubriques, ses séries, ses récurrences (thèmes, artistes, etc.), sa ligne graphique, ses originalités, enfin, ses actions, mais aussi son lectorat. Ces questionnements constitueraient des sections de l’exposition, qui peuvent être contenues dans des vitrines voire des tables-vitrines.
Chacune de ces sections offre des possibilités de muséographie qui donneront vie au propos. Les rédacteurs et les liens tissés entre eux se devinent à travers photographies, carnets de notes, courriers, archives de l’institut national de l’Audiovisuel (INA)[5]. Le choix des pages spécifiques de la revue sur lesquelles le visiteur sera amené à se pencher peut être appuyé par un propos graphique sur des planches didactiques ou des animations, afin de montrer la construction d’un article, sa mise en page, certaines similitudes avec une composition picturale néo-plastique, les évolutions de numéro en numéro. Les collaborations avec certains artistes peuvent donner lieu à l’exposition d’œuvres, de courriers mais aussi de films puisqu’Art d’aujourd’hui en a également produit deux en 1951, un sur le sculpteur Henri Laurens, l’autre sur le peintre florentin Alberto Magnelli.
Les activités menées au-delà des limites d’Art d’aujourd’hui constituent, en termes de muséographie, certainement ce qui laissera le plus de liberté : films sur l’art, donc, éditions d’ouvrages, photographies et comptes rendus de conférences, résultats parus dans la revue du concours de couvertures lancés aux lecteurs, photographies de l’atelier pour jeunes artistes – l’atelier d’Art abstrait –, catalogues d’expositions, notamment à la Galerie Denise René, rue de la Boétie à Paris, participation active au groupe Espace, collectif de plasticiens, architectes, urbanistes, artisans, réunis pour proposer une autre Reconstruction en ces temps d’après-guerre : une Reconstruction sous le signe de la synthèse des arts[6].
Ici, le manque d’archives impose doublement de savoir trouver la bonne distance entre respect des sources et impératif de faire revivre une aventure collective portée par l’enthousiasme et l’espoir en une création tournée vers le public. Il faudrait trouver autre chose que la seule option « visiteur devant des objets sous vitrine », s’octroyer quelques libertés comme le conseille Françoise Levaillant face à toute étude de revue :
« Entre la description à petits points, faite de citations et d’anecdotes, et la langue de bois dans laquelle se fige presque toujours un discours pétri de “stratégies”, il conviendrait de trouver un autre protocole d’analyse, quitte à déconstruire l’objet (la revue) pour parvenir à poser des séries de questions pertinentes[7] ».
Le travail de recherche sur les revues est en effet encore jeune et il doit ainsi inciter à trouver de nouvelles approches dans l’analyse et la démonstration. Une réponse serait probablement de faire intervenir sur un point très précis de l’exposition, grâce à un appel à projets, la jeune création actuelle, et rester ainsi fidèle à l’esprit d’Art d’aujourd’hui. La proposition plastique offrirait un autre regard sur une action ciblée de la revue ou sur un corpus d’archives ; certains échanges épistolaires entre les rédacteurs et les artistes, par exemple, sont très vivants et permettent une immersion dans l’activité journalistique de l’époque.
Présenter le contexte historique, culturel et éditorial, et artistique
L’ensemble de textes mis en pages et illustrés qui constitue une revue permet, dans les quelques centimètres carrés qui la délimitent, d’ouvrir vers de nombreux horizons. Aborder un organe de presse inscrit dans le passé implique, en effet, de couvrir plusieurs domaines. D’abord celui de l’histoire, car son rédactionnel découle de l’actualité, c’est sa raison d’être. Cette actualité, devenue aujourd’hui historique, se lit ici dans sa contemporanéité, donc avec ses partis pris, ses enthousiasmes et ses manques. Véritable source au même titre que des archives ou la collecte de témoignages, il s’agit, de la même façon, de poser sur les livraisons le regard du chercheur qui tend à une inatteignable objectivité. Avec Art d’aujourd’hui, c’est aussi, plus précisément, un pan complexe de l’histoire de l’art qui est convoqué : celui de l’après Seconde Guerre mondiale, du renouveau de l’abstraction et, partant, d’un désir d’implication de la création dans la société. De ce fait, un troisième champ alimente cette recherche, celui de la sociologie.
Ces trois approches se croisent et se complètent dans l’étude du chercheur mais elles sont peu exploitables visuellement. Pour rendre les conclusions compréhensibles sans avoir besoin de l’apport de trop de textes explicatifs sur les cimaises, il faut probablement poser le contexte historique : celui de l’après Seconde Guerre mondiale et de la Reconstruction mais aussi du début des Trente Glorieuses. La situation culturelle et éditoriale devra également être présentée : l’essor des galeries, la multiplication des salons, l’ouverture du musée d’Art moderne depuis 1947, mais encore très peu d’ouvrages consacrés à l’art et un désintérêt assez généralisé de l’institution pour l’abstraction.
L’inscription de la revue dans un temps très délicat de l’histoire de l’abstraction en constitue une des richesses. Cette forme d’expression est, en effet, encore bien récente au regard de l’ensemble de l’histoire de l’art. Chose rare dans la discipline, nous pouvons en effet situer sur une échelle de temps proche de nous, les débuts non pas d’un mouvement mais véritablement d’une esthétique nouvelle ; une nouvelle manière d’exprimer, de créer. À l’image de la photographie et du cinématographe, l’histoire de l’abstraction se lit dans les archives et témoignages récents, quand les réalisations donnent des indices sur les différentes tentatives et expériences, les débuts de l’abstrait, les concurrences de paternités mais aussi son évolution. De même, on s’accorde sur le fait qu’avec les années 1950, l’abstraction est dans une période de renouveau ; l’après Seconde Guerre mondiale lui offre des raisons de s’épanouir dans une quête qui est d’exprimer ce qui ne peut être représenté, figuré. Néanmoins, dès 1953-1954, l’art abstrait entre dans ce que l’historienne de l’art Sylvie Lecoq-Ramond appelle une période de « classicisation[8] ».
S’ensuit, à partir du mitan des années 1950, un débat sur un potentiel conformisme de l’abstraction qui conforte les tenants d’une nouvelle expression plus gestuelle, lyrique, dans l’idée que le combat doit se tourner autant contre la figuration que contre une abstraction géométrique sclérosée. Et Art d’aujourd’hui, précisément, participe à l’académisation de l’avant-garde abstraite du fait même, comme l’analyse l’historien de l’art Georges Roque, que la revue fait partie d’un réseau qui, en se contentant de lui-même – et ce, malgré lui –, clôt des possibilités[9]. L’ambition des rédacteurs ne peut se passer de la mise en place de ce réseau, ni d’une relative académisation. Pour réaliser leurs objectifs, de grande envergure, ils ne peuvent se passer de tenter de convaincre le plus largement possible, de répandre les idées que sous-tend l’art géométrique. Ils ne peuvent se passer d’agir.
C’est toute cette ambivalence de l’avant-garde géométrique qui est visible à travers l’étude d’Art d’aujourd’hui et l’expérience de l’atelier d’Art abstrait en constitue une bonne démonstration. Lorsque deux artistes guidés par leur élan de prosélytes, Edgard Pillet – par ailleurs co-fondateur et secrétaire général de la revue – et Jean Dewasne, créent le 16 octobre 1950, rue de la Grande-Chaumière, un lieu où les jeunes gens peuvent trouver un enseignement tourné vers l’abstraction, le critique et polémiste Charles Estienne publie L’art abstrait est-il un académisme ? qui fait grand bruit dans le petit monde de l’art[10]. Il est ainsi possible d’exploiter cet événement à travers des articles d’Art d’aujourd’hui annonçant la création de l’atelier, les différentes conférences des « Mardis de l’atelier », les concours lancés à ses élèves, puis le pamphlet d’Estienne, et enfin les réactions d’autres critiques et d’artistes.
Feuilleter la revue
Grâce à la numérisation, on peut aujourd’hui lire des publications rares, les manipuler à volonté sans prendre le risque de les abîmer, voire zoomer à l’intérieur de leurs pages. Cet apport du numérique dans le contexte de l’exposition ne doit pas être négligé. Outre le maniement aisé et très personnalisé de l’objet exposé, une digitalisation accessible par écran tactile, permet également d’ajouter des contenus plus précis que le visiteur consultera au gré de sa curiosité ou en fonction de son temps. Cependant, feuilleter une revue, c’est-à-dire réellement pouvoir en tourner les pages en papier, a également son importance pour rendre au périodique sa matérialité : son format, sa mise en page dans le rapport au format, la qualité du papier, l’enchaînement des articles, les doubles-pages. L’exposition présente les exemplaires dans des vitrines mais la question de l’intérêt et de la mise à disposition du fac-similési ce n’est de sa mise en scène, peut cependant se poser.
Le fac-similé pour pouvoir feuilleter la revue, mais encore ? Dans quel contexte peut-on donner envie de prendre le temps de feuilleter la revue ? Doit-on rejouer les années 1950 et recréer le salon d’un lecteur ? Quel en serait l’intérêt ? La médiation ne doit pas devenir du divertissement. Une évidence s’impose : pour que le propos historique apparaisse scientifiquement fiable, il faut alors que la reconstitution – même s’il s’agit de deux fauteuils, un tapis, une table basse et un luminaire – soit elle aussi, authentique. Serait-il alors raisonnable de mettre autant de moyens dans un agencement qui n’aurait pour but que d’installer une ambiance, autrement dit de distraire, voire de distraire du propos, d’illustrer sans argumenter ?
L’étude de l’historienne de l’art Caroline Tron-Carroz autour de l’exposition Vidéo Vintage du MNAM (2012), a assez montré les dangers d’une scénographie instrumentalisée quand elle n’est que mise en scène d’objets. Quel serait donc l’attrait du fac-similé autre que celui d’être feuilleté et d’apporter une matérialité à la revue ? Est-ce une raison suffisante ? L’usage qui a été fait de la reproduction du livre de comptes du marchand des impressionnistes, Paul Durand-Ruel, dans l’exposition au palais du Luxembourg, en 2014, n’était pas convaincant[11]. Bien que posé au milieu d’une salle à portée de toutes les mains, son statut est resté ambigu (résultat d’une trop belle réussite de la copie ?) ; peu le feuilletaient, en tout cas longuement, d’autant que l’ensemble restait obscur : la graphie dix-neuvièmiste ajoutée à la méconnaissance du marché de l’art de cette époque – que cette manifestation ne pouvait combler – conférait à l’idée de médiation et à ce beau travail de copie, un rôle d’anecdote dans l’exposition et dans son discours scientifique.
En prenant appui sur la frustration qu’a pu créer ce double du livre des comptes du célèbre marchand, il est possible de réfléchir à ce qui aurait pu, si ce n’est valoriser cet objet, au moins le rendre exploitable pour le public. Qu’en serait-il si des revues Art d’aujourd’hui étaient accessibles à la lecture, posées sur une table avec des chaises pour les consulter posément ? Ne peut-on pas imaginer que le visiteur, enrichi du parcours qu’il vient de faire, serait alors disponible pour cheminer dans une voie toute parallèle à celle de l’exposition : celle du travail de l’historien ? Est-ce que l’apport évident que peut avoir un fac-similé ne serait pas de tâcher de comprendre, cette fois par soi-même, l’intérêt pour l’histoire de l’art de l’objet de l’exposition ? En quoi cette revue, qui a participé pleinement à l’évolution de l’abstraction encore naissante, est devenue trace d’une théorisation de cette forme d’expression par les acteurs mêmes de cette aventure, puis source d’un moment-clef du XXe siècle ? Faire comprendre par l’exemple que, comme le notait Michel Foucault :
« […] l’histoire a changé sa position à l’égard du document : elle se donne pour tâche première, non point de l’interpréter, non point de déterminer s’il dit vrai et quelle est sa valeur expressive, mais de travailler de l’intérieur et de l’élaborer : elle l’organise, le découpe, le distribue, l’ordonne, le répartit en niveaux, établit des séries, distingue ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas, repère les éléments, définit les unités, décrit des relations[12] ».
Ainsi, mettre en place les conditions d’un questionnement sur la revue, par des reproductions consultables d’archives ciblées, mais aussi d’outils de l’historien – carnets de notes, index, etc. – apporterait du didactisme vivant au sein de l’exposition, et placerait le visiteur au cœur du dispositif, le rendant ainsi pleinement actif.
Le travail des critiques et journalistes – observateurs, chroniqueurs, commentateurs, argumentateurs mais aussi initiateurs – au plus près, si ce n’est au cœur de la création, offre un terrain de réflexions encore trop peu exploité. Le grand apport d’Art d’aujourd’hui pour l’histoire de l’art tient notamment dans la proximité entre les critiques et les artistes – qui se livrent tant sur l’acte de création que leur quotidien pragmatique, laborieux et souvent difficile, qui ouvrent les portes de leur atelier – mais aussi par la vision sociale qui sous-tend leurs propos sur l’art, préoccupation très contemporaine à la revue et intrinsèque à l’abstraction. L’échec de la rencontre avec un large lectorat n’en diminue pas pour autant sa recherche incessante et l’inventivité sollicitée. Une telle intention de la part d’Art d’aujourd’hui ne peut se traduire pleinement, selon nous, dans une unique forme écrite dont la publication ne toucherait, une fois encore, qu’un lectorat déjà convaincu de chercheurs. Exposer un propos et tenter de le transmettre autrement, poursuit et complète notre étude universitaire nourrie d’articles et de conférences, dans un champ plus ancré dans le réel, bien davantage tourné vers le public. Cette envie, si ce n’est cette nécessité, rejoignent notre accord profond avec la ligne éditoriale de la revue ; car il nous semble manifeste que la recherche n’existe pleinement que lorsqu’elle rencontre l’autre et crée des échanges.
Notes
[1] Le petit Robert, Paris, Éd. Robert, 2009 : « Publication périodique souvent mensuelle, qui contient des essais, des comptes rendus, des articles variés, etc. ».
[2] Ibid. : « Publication périodique, généralement illustrée ».
[3] Les fidèles rédacteurs d’Art d’aujourd’hui sont Léon Degand, Roger Van Ginderteal, Pierre Guéguen, Roger Bordier mais également Michel Seuphor.
[4] La ligne éditoriale Art d’aujourd’hui pâtit encore aujourd’hui auprès des observateurs des revues, des années 1950 et de l’abstraction, d’une réputation de sectarisme que nous avons tenté d’éclaircir dans : Girieud C., « Art d’aujourd’hui et Cimaise. Deux revues concurrentes dans le microcosme de l’abstraction », Froissart Pezone R., Chèvrefils Desbiolles Y. (dir.), Les revues d’art. Formes, stratégies et réseaux au XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 281-293.
[5] Les fonds d’archives relatifs à Art d’aujourd’hui (ce dernier étant très peu fourni), relatifs à Léon Degand ou à des acteurs contemporains de la revue (les critiques Julien Alvard et Charles Estienne, la Galerie Arnaud et sa revue Cimaise) sont conservés à la bibliothèque Kandinsky, centre de documentation et de recherche du MNAM. Certaines archives personnelles (correspondance, photographies et films) du fondateur de la revue, André Bloc, ont été déposées au musée de Grenoble, et des entretiens sont disponibles dans les archives INA.
[6] Sur ce dernier point, il reste peu de traces. Diana Gay, conservatrice du musée Fernand Léger à Biot, prépare une exposition sur l’événement majeur du groupe Espace : l’exposition de l’été 1954, dans cette ville de la Côte d’Azur. Sa source principale reste un catalogue, édité avant la manifestation, à partir des projets des pièces.
[7] Levaillant F., « Préface », Chèvrefils Desbiolles Y., Les revues d’art à Paris (1905-1940), Paris, Ent’revues, 1993, p. 11.
[8] Lecoq-Ramond S., « Les vies différées de l’abstraction », Abstractions France (1940-1965). Peintures et dessins des collections du musée national d’Art moderne, cat. exp., Colmar, Musée d’Unterlinden, 1998, p. 20.
[9] Roque G., Qu’est-ce que l’art abstrait ? Une histoire de l’abstraction en peinture (1860-1960), Paris, Gallimard, 2003, p. 206.
[10] Estienne C., L’art abstrait est-il un académisme ?, Paris, Éd. de Beaune, 1950.
[11] Paul Durand-Ruel. Le pari de l’impressionnisme, exp., Paris, Musée du Luxembourg, 2015.
[12] Foucault M., L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1994 (1969), p. 14.