Au crépuscule d’un clivage. Réflexions autour d’une exposition de l’Architectural League of New York (1940)

par William Terrier

 

William Terrier est doctorant en histoire de l’art à l’université Rennes 2 sous la direction d’Hélène Jannière depuis 2019. Sa thèse, dédiée à la notion de « tradition classique » dans l’historiographie architecturale du dernier tiers du XXe siècle, explore le milieu académique et l’œuvre de l’historien de l’architecture David Watkin (1941-2018). En parallèle, il enseigne l’histoire de l’architecture en tant que chargé de Travaux Dirigés à l’ENSA de Toulouse.

 

L’opposition des « modernistes » et des « traditionalistes » est un lieu commun historiographique. Comme tout clivage séculaire, il charrie son lot d’idées reçues arrivées jusqu’à nous en représentations galvaudées. Alors que son apparente binarité en fait un outil craint par l’historien qui redoute l’impasse d’une généralisation abusive, il demeure néanmoins un objet de tentation par la simplicité formelle qu’il offre pour recouvrir des réalités plurielles. Dans le champ architectural, il s’est formé dans les débordements éclectiques du XIXe siècle[1], s’est amplifié dans l’entre-deux-guerres entre le surgissement des avant-gardes avides de table rase et les réactions de la « vieille garde » traditionaliste qui s’est dressée contre elle. Cette résistance stylistique au modernisme s’est matérialisée par une forte polarisation idéologique, tant en Europe qu’aux États-Unis, entre les tenants de la tradition classique et les supposés pionniers du « style international[2] ».

Jugée peu fiable pour rendre compte de toute la complexité de la sphère architecturale, cette opposition fut négligée par la discipline historiographique et laissée en marge. Non seulement les historiens contemporains de l’avènement du Mouvement moderne éclipsèrent les expressions traditionalistes de leur lecture de l’actualité architecturale[3], mais bien d’autres travaux ultérieurs conservèrent l’avant-garde architecturale comme unique pierre de touche de tous les courants contemporains, minorant de fait la question des clivages[4]. Or, l’omniprésence de cette thématique dans le débat public, les expositions, chez les critiques et dans les colonnes des périodiques d’architecture devrait attirer notre regard sur l’importance qu’accordaient les acteurs de l’entre-deux-guerres à ce conflit et son rôle dans la construction identitaire de la discipline.

L’Architectural League of New York[5] décida en mars 1940 de se saisir des discordes stylistiques qui avaient tant animé les débats d’entre-deux-guerres et d’en retracer le bilan sous la forme d’une double exposition rétrospective intitulée Versus. Tenue dans les locaux de l’organisation située au 115 East 40th Street, près de Grand Central Station, elle opposait les photographies d’œuvres traditionalistes à la production moderniste sur deux niveaux distincts, offrant un instantané de la sphère architecturale new-yorkaise. Ces clichés permettaient de saisir en un regard ce qui séparait en 1940 deux groupes idéologiques qui avaient tant marqué les débats des deux dernières décennies. Quel rôle jouait encore cette polarisation dans le débat public ? À qui servait véritablement le choix d’une double exposition à l’impartialité de façade ? Certes, l’idée d’un lieu de comparaison comme un terrain neutre, fécond de débats, de réaction et de polémiques ne devrait surprendre personne. En revanche, plus ambiguë peut paraître la position de l’Architectural League et de son seul partenaire médiatique, la revue Architectural Forum, alors réputée privilégier dans ses rubriques les porte-voix du style international. Opportunité s’il en est de mieux saisir le rôle des expositions et les motivations de leurs relais médiatiques ; dans le cas qui nous occupe : la conquête de l’acceptation et de la légitimité politique de la production architecturale d’avant-garde auprès de l’opinion publique[6].

À l’aube d’un clivage 

Il est inutile de remonter jusqu’aux premiers désaccords issus de l’éclectisme du siècle précédent pour retracer cette opposition dans le champ architectural. L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925 marqua en effet la rupture médiatique la plus proche de notre période. L’exposition bénéficia d’un formidable écho outre-Atlantique et fit l’objet d’une réception critique à la hauteur des tensions déjà présentes entre conservateurs et progressistes dans le champ pictural[7]. Il est frappant de constater que, si l’exposition de 1925 à Paris était également le lieu de l’éclectisme et du régionalisme, les traditionalistes américains préféraient attirer l’attention sur les formes géométriques qui leur semblaient trop s’éloigner de l’idéal classique : « L’invention pure et la négation de la tradition étaient à l’ordre du jour[8] », commentait le peintre et céramiste Léon-Victor Solon qui s’inquiétait du fait que la « manière moderniste » vît son influence croître par l’entremise de la France et de son exposition. Le « modernisme » était alors, malgré sa définition déjà approximative, moins un style en particulier que le symptôme perçu d’un changement du goût, des cultures et des idées venues d’Europe menaçant l’héritage classique. « La contagion anti-académique se propage[9] », insista W. Francklyn Paris dans Pencil Points en 1930, qui jugeait responsable l’exposition parisienne d’avoir « définitivement établi la nouvelle doctrine ». La terminologie était encore hésitante, mais les acceptions se cristallisèrent dans l’esprit des contemporains. Les épithètes « traditionaliste » et « moderniste » se chargèrent peu à peu de connotations et, dans le champ architectural, redéfinissaient deux tendances antinomiques. Leur aversion réciproque prospérait ainsi dans les périodiques d’architecture, mais également dans les sociétés d’architecture où cette thématique fut désormais omniprésente dans les rencontres et les comptes rendus de table ronde[10].

Le 6 décembre 1928, l’architecte et designer américain Harold Van Buren Magonigle (1867-1935) livra devant les membres de l’Architectural League un fervent discours contre certains courants émergents de la sphère picturale[11]. Magonigle dressait ainsi les attributs de la nouvelle génération à rebours des valeurs traditionnelles : « les radicaux et révolutionnaires […], les incompétents, les esprits immatures, les névrosés, les égocentriques[12] ». Ces épithètes infamantes dessinaient toutes les inquiétudes des traditionalistes de l’entre-deux-guerres. « L’expression de soi », insistait-il alors, « constitue la nouvelle doctrine[13] ». L’orateur s’inquiétait du haut de sa tribune qu’elle ait atteint la pratique architecturale. La partie du discours consacrée à l’architecture présentait ainsi une sélection[14] de gratte-ciels américains opposés aux toutes dernières résidences européennes empreintes de modernité. Il dressait, à deux ou trois exemples près, New York contre l’Europe. D’un côté, la grandeur de l’idéal classique américain[15], de l’autre la modernité européenne réduite aux laboratoires résidentiels. Deux pôles idéologiques furent alors désignés : « l’ultra-conservateur » et « l’ultra-radical ».

Si ces catégories peuvent aujourd’hui sembler peu judicieuses pour qualifier la complexité des partis pris au sein de la profession durant l’entre-deux-guerres[16], leur distinction dans le champ terminologique d’alors révélait cependant la manière dont les acteurs de la discipline distinguaient les groupes sociaux qui la composaient. L’enjeu n’est pas tant de comprendre comment la discipline était constituée, mais plutôt de mieux saisir comment les acteurs se percevaient et observaient la discipline. La figure du « traditionaliste » face à celui du « moderniste » constituait ainsi pour l’observateur de l’entre-deux-guerres les deux faces d’une même pièce ou, pour adopter une métaphore plus apte à rendre compte de l’inquiétude suscitée : un monstre à deux têtes. « Les noms changent, les cris de guerre varient, mais les protagonistes sont identiques[17] » conclut Magonigle.

À la faveur de la nouvelle dialectique, de nombreux articles fleurirent dans les périodiques d’architecture opposant les récentes productions traditionalistes et modernes. L’exemple le plus frappant est sans doute la confrontation en novembre 1937 qu’Architectural Forum mit en scène entre l’usine Edwards and Company implantée à Norwalk (Connecticut) et celle de General Motors située à Linden (New Jersey). La façade de style fédéral conçue par Leo F. Caproni s’opposait ainsi à la façade moderniste de l’architecte et ingénieur spécialisé dans la production d’édifices industriels Albert Kahn, selon de larges photographies en pleine page les présentant comme les deux antithèses de l’actualité architecturale : « Deux usines posent une question : l’architecture est-elle une route à double voie ou à sens unique[18] ? », semblaient poser ce faux dilemme les auteurs du Forum.

Le goût évolue, les aspirations se déplacent. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la discipline architecturale semble scindée, selon les discours véhiculés par les revues, en deux tendances que tout oppose. Un aperçu de la production architecturale de l’époque peut s’apprécier tout au long des pages du rapport rédigé par Short et Stanley-Brown mandaté par l’agence fédérale des travaux publics[19]. Le contenu de Public Buildings[20] (1939) insistait alors particulièrement sur la partition de la production architecturale de l’époque. La gravure placée en guise de frontispice l’illustre : un paysage urbain éclectique reflète la cohabitation entre une Amérique architecturale à la fois classique et moderne, horizontale et verticale (Fig. 1).

Fig. 1 : Frontispice, Public Buildings (1939), D.R.

Versus, une arène pour un combat simulé ?

« Illustrer de façon spectaculaire l’opposition entre les deux principales écoles de l’architecture américaine[21] » : tel était le but de l’exposition Versus exprimé sans détour par Hugh Ferriss, président du comité de l’exposition, dans un communiqué publié dans Architectural Forum. Aux allures de rétrospective[22], l’exposition volontairement polémique devait susciter débats et discussions, générer une émulation collective afin d’alimenter une controverse que d’aucuns ne considéraient plus tellement d’actualité à l’aube des années 1940[23]. L’esprit d’opposition était alors respecté jusque dans le comité scientifique, scindé en deux : George A. Licht[24], Lawrence Grant White[25], Lindley M. Franklin[26], Otto R. Eggers[27], Geoffrey Platt[28] pour les tenants du traditionalisme ; Wallace K. Harrison[29], George Howe[30] et Edward D. Stone[31] pour le commissariat de la partie moderne.

Le carton d’invitation pour la soirée inaugurale annonçait d’emblée la confrontation selon une liste d’oppositions terminologiques toutes plus significatives les unes que les autres : « classique contre moderne », « conservateur contre radical », « artiste contre scientifique », « vieille tradition contre nouvelle tradition », « pilastres contre pylônes », « architecture contre bâtiment[32] ». Bien que teinté d’humour, ce florilège d’antagonismes à l’excès révélait toutes les acceptions que l’on assignait encore aux deux polarités de la sphère architecturale. L’ambivalence dialectique était incarnée dès l’entrée de l’exposition par le fût d’une colonne ionique surmontée d’un mobile d’Alexander Calder en guise de chapiteau, repris dans le livret comme le symbole de l’exposition (Fig. 2). Ce qui aurait pu être considéré comme un outrage quelques décennies plus tôt ne surprenait plus, et amusait tout au plus les visiteurs venus massivement dans les locaux de l’Architectural League. Une preuve de plus, s’il en fallait, que le titre de l’exposition déjà assez explicite signalait un conflit.

Fig. 2 : Livret de l’exposition Versus (1940) © Smithsonian, Archives of American Art

L’agencement muséographique devait quant à lui témoigner de la philosophie propre aux deux écoles. Les photographies du premier groupe furent ainsi alignées le long des murs du réfectoire du rez-de-chaussée de l’Architectural League selon une certaine économie formelle (Fig. 3).

Fig. 3 : Versus, 1940, New York, section « traditionaliste » de l’exposition, réfectoire de l’Architectural League © Library of Congress, Gottscho-Schleisner Collection

Les photographies de l’étage furent disposées suivant une déambulation plus ou moins labyrinthique (Fig. 4), installées au cœur d’une scénographie complexe conçue par le designer George Nelson (1908-1986). L’espace fut délimité par plusieurs cloisons sinusoïdales rehaussées d’éclairages dynamiques et une abondante signalétique présentait des informations contextuelles. Ce qui serait perçu aujourd’hui au mieux comme une coquetterie muséographique paraissait encore en 1940 d’une extravagance sans bornes : Architectural Record décrivit une « fanfare visuelle » dans son compte rendu intitulé « L’architecture en parade[33] », dont l’illustration en préambule devait évoquer le dilemme que ces expositions suscitaient aux visiteurs[34] (Fig. 5). L’espace consacré aux traditionalistes devait ainsi refléter la simplicité et la modestie revendiquée par les tenants de la tradition classique. Le décorum moderne du second niveau devait traduire toute la virtuosité technique et l’esprit d’orgueil du style international.

Fig. 4 : Versus, 1940, New York, section « moderniste » de l’exposition © Library of Congress, Gottscho-Schleisner Collection
Fig. 5 : Architecture on Parade, avril 1940 © Architectural Record

Une « pièce à l’envers » (the upside-down room) signée Dan Cooper  constituait le point d’orgue de l’exposition. Cette reproduction grandeur nature d’un séjour américain paré de mobiliers modernes, jusque dans le choix du cendrier, devait manifester tout le confort de la vie moderne. Les magazines Architectural Forum et Life posés sur les tables basses témoignaient des nouvelles habitudes culturelles – et par là même affirmaient officieusement l’étroite relation de leur comité rédactionnel avec les tenants du style international. La pièce ainsi suspendue et renversée offrait aux regards des visiteurs une contre-plongée saisissante du nouveau mode de vie américain.

Au fil de ce développement se dessinent les choix ambigus des organisateurs. En souhaitant rassembler en opposant, rapprocher en juxtaposant, apaiser la situation en suscitant une dernière controverse, leurs motivations profondes n’étaient sûrement pas de trouver une solution à l’impasse architecturale de l’époque. Le traitement déséquilibré dans l’aménagement intérieur à l’avantage du moderne devait sans doute offrir une proposition plus attractive aux yeux des New-Yorkais. Du moins cette mise en scène devait-elle démontrer la désuétude de l’ancienne doctrine, reléguée dans un réfectoire peu prestigieux. En outre, que le Forum ait été le seul périodique spécialisé à collaborer avec l’Architectural League dans le comité de l’exposition – la revue fut par ailleurs la seule avec Architectural Record à minutieusement couvrir l’événement – n’augurait rien d’une retenue déontologique rigoureuse, si ce n’est celle d’une inclination moderniste plébiscitée le long des murs de l’exposition.

De l’appel à la modération et à la réconciliation nationale 

Ce simulacre de combat équitable, conforme à l’esprit de l’exposition, fut mis en scène lors de la soirée inaugurale du 5 mars 1940 ; chaque école était alors invitée à défendre son champion et leurs discours respectifs : le traditionaliste William Adams Delano et le moderniste George Howe. Ce ne fut pas la première fois qu’une telle rencontre était organisée dans un cadre aussi formel[35], mais signe d’un apaisement du temps, le premier appela à la réconciliation : « En faisant des concessions mutuelles à nos opinions divergentes, nous parviendrons à améliorer l’art que nous aimons tous[36] » ; signe des tensions encore présentes, le second campait sur ses positions. Sans doute aussi étaient-ils conscients du nouveau rapport de force qui allait bientôt précipiter l’hégémonie du Mouvement moderne d’après-guerre[37].

La réception critique de l’exposition reflétait sans surprise les dissensions stylistiques exposées entre les murs et les crispations idéologiques au-dehors. Fidèle à sa ligne de conduite antimoderne, le critique d’art de l’Herald Tribune Royal Cortissoz dénonça le « culte de la laideur[38] » manifesté chez les modernes. La critique de Lewis Mumford dans le New Yorker fut à l’inverse catégorique : « le premier est un cimetière, le second une maternité. Comment peuvent-elles rivaliser[39] ? » Entre ces deux polarités, la posture médiane de Talbot Faulkner Hamlin fut cependant plus éclairante sur l’esprit du temps et l’évolution des relations entre modernistes et traditionalistes. Celui qui avait longtemps plaidé pour une position modérée[40] tira les leçons des deux décennies antérieures et persista par un appel à la réconciliation nationale en refusant le clivage comme seul horizon indépassable. Sa critique de l’exposition fut l’occasion parfaite pour y vanter les mérites d’un régionalisme adaptatif et collaboratif, soucieux de prendre en compte le climat et les matériaux locaux et ainsi dépasser des dissensions qui ne répondraient plus aux besoins du temps. À Hamlin de conclure : « N’est-ce pas, après tout, l’expression de la vraie tradition de l’architecture américaine[41] ? ».

Cette réflexion en construction sur l’américanité à l’aune de l’opposition entre architecture classique et moderne s’inscrivait pourtant jusque-là presque exclusivement dans une longue tradition du rejet des souches européennes, quel que soit le côté de la barricade. Dès septembre 1925, un auteur du Pencil Points loua l’érudition des architectes éclectiques américains qui les auraient préservé du « modernisme extrême » de certains Européens, et en particulier des architectes allemands qui « se détournaient de la tradition » et dont les œuvres ressemblaient « davantage à des cuirassés qu’à des bâtiments[42] ». L’exposition de 1925 à Paris fut une nouvelle fois perçue comme un « conglomérat d’architecture extrémiste venant de toute l’Europe », une « émeute du Modernisme[43] ». À l’inverse, un architecte de Cleveland dans le Pencil Points rappelait l’origine toute européenne des revivals américains et incitait à suivre l’exemple de Wright et Sullivan : « Les méthodes américaines, et non les écoles européennes[44] ». C’est selon cette même démarche de préférence nationale qu’une partie des traditionalistes rejetait le modèle du French Provincial Style[45] sous prétexte qu’il serait exogène[46], et privilégiait la « tradition américaine » qu’incarnerait le style colonial depuis qu’Emerson l’avait consacré en 1869 comme « la seule et unique architecture américaine[47] ».

Si l’exposition Versus scindait en apparence la discipline sur un plan stylistique, elle devait néanmoins rassembler sur le plan national. Le choix de sélectionner uniquement des architectes américains participait d’un patriotisme exacerbé par le contexte international. Plus encore, elle devait conjurer un sentiment d’infériorité, chasser l’impression de se situer à l’arrière-garde de l’innovation architecturale. Edgar I. Williams, alors président de l’Architectural League, l’affirmait ainsi dans le discours inaugural de l’exposition :

« Les architectes américains ont toujours été pudiques dans l’expression de leurs idées architecturales. […] Nous nous sommes toujours inclinés devant l’Europe dans la poursuite des Arts. Qu’en est-il de notre architecture, de notre architecture américaine[48] ? ».

Du rôle des expositions et de l’opinion publique

À qui l’injonction à la modération servait-elle vraiment ? Que se cachait-il donc sous le vernis de l’impartialité même relative ? Un coup d’œil dans le livret de l’exposition permet d’identifier quelques éléments de réponse et de mieux saisir certaines orientations privilégiées par les commissaires de l’exposition. Dans la liste des œuvres, les « traditionalistes » furent présentés par agences : McKim, Mead and White et leurs grandes commandes institutionnelles. Les « modernistes » furent quant à eux classés selon un ordre typologique introduit par la production résidentielle. L’ordonnance des photographies au sein de l’exposition devait non seulement démontrer l’adaptabilité du modernisme à épouser tout type d’architecture, mais plus encore rattraper son retard de popularité dans le secteur résidentiel. Résistant à l’opinion publique encore conquise par les variantes traditionalistes jugées plus adaptées au logement[49], il n’est pas anodin qu’Architectural Forum ait saisi chaque nouveau projet moderniste plébiscité dans ses colonnes pour balayer cette idée reçue[50] ou railler l’adversaire traditionaliste[51].

La question du style était d’autant plus importante pour les promoteurs immobiliers que l’on considérait encore le « modernisme » soumis à la volatilité du marché et celle du goût du public[52]. Ainsi, le choix de présenter les traditionalistes comme des architectes institutionnels d’œuvres de grandes dimensions[53] et de valoriser les modernistes comme des architectes résidentiels ou répondant à des commandes à petite échelle peut sans doute mieux s’éclairer à la lumière de l’enjeu économique des années 1940. Alors que les projets de gratte-ciels incarnaient encore trop l’instabilité financière des heures sombres de la Grande Dépression, la percée du modernisme dans le secteur résidentiel encore largement dominé par les traditionalistes devait offrir le rebond économique attendu par la discipline et la profession[54].

La multiplication des sondages d’opinion au cours des années 1930 devait progressivement démontrer l’acceptation de l’architecture moderne au cœur de la société américaine. Les années 1940 marquèrent un tournant[55]. Il n’est pas absurde d’envisager que les expositions, bénéficiant d’une popularité et d’une fréquentation qui dépassaient bien souvent les seuls cercles professionnels, jouèrent un rôle non négligeable dans la promotion du modernisme auprès de l’opinion publique. Cette dernière, après sondage, devait offrir une nouvelle source de légitimité politique en sa faveur. En 1949, la section new-yorkaise de la revue de l’American Institute of Architects (AIA) lança un sondage dans le cadre de l’exposition Tomorrow’s World, sponsorisée par le Museum of Science and Industry. Deux modèles de maisons, traditionnelle et moderne, furent présentés. Le résultat, fortement relayé dans un certain nombre de périodiques d’architecture du pays, révélait alors une écrasante majorité à l’avantage du moderne, à 72%[56]. De ces quelques exemples frappants, il serait absurde de déduire que toute manifestation de ce type résultait d’une collusion d’intérêts financiers unissant promoteurs, architectes, commissaires et éditeurs de revues. Du moins peuvent-elles nous informer sur leur orientation commune et les enjeux économiques qui dépassaient souvent de loin les grands discours esthétiques et réconciliateurs. Tout du moins, la préservation du statu quo plébiscitée dans les discours autour de ces expositions (Versus et Tomorrow’s World) permettait de consolider un rapport de force en faveur du style international et d’accélérer le processus de consensus social autour de la modernité.

L’exposition Versus charriait avec elle trois décennies de soubresauts identitaires sur l’idée d’architecture américaine bouleversée par l’avènement du modernisme. Elle y présentait dans un dernier râle les querelles intestines d’une discipline décomposée, mais également à travers elle les sentiments de concorde qui animaient ses acteurs. Ne soyons cependant pas dupes : les grands principes de façade et les discours réconciliateurs ne doivent pas voiler les motivations profondes qui résultaient de l’association féconde des organisateurs avec leurs relais médiatiques. Du moins sa postérité resta limitée à la controverse, comme s’il n’y avait plus rien à tirer d’un clivage frappé de sénescence : dans Opportunities in Architecture[57] (1946) le dramaturge Frank Vreeland (1891-1946) partageait, sous le pseudonyme de William Thorpe, quelques années plus tard son souvenir de l’exposition :

« Des discours enflammés ont été prononcés. Les esprits se sont échauffés. Plusieurs conservateurs en sont presque venus aux mains avec les libéraux. D’autres raillaient sans cesse les tendances révolutionnaires de l’architecture. Mais quoi qu’ils aient pu dire, le nouveau style est resté d’actualité. Et il a continué à gagner de plus en plus d’adhérents[58]. »

Si son avènement paraissait alors inéluctable, d’autres circonstances historiques précipitèrent l’hégémonie du Mouvement moderne et dans son sillage la disparition du clivage : les espérances traditionalistes furent dissoutes dans l’effort de guerre ; puis frappées d’infamie par la débâcle des états totalitaires qui avaient fait de l’esthétique néoclassique la vitrine architecturale de leur mission civilisatrice. Ainsi, l’espace accordé à ces querelles dans les expositions, les tables rondes et périodiques d’architecture se réduisirent considérablement. Les longs éditoriaux et les articles théoriques en pleine page des années 1920 cédèrent le pas aux maigres attaques interpersonnelles des courriers des lecteurs des années d’après-guerre[59].

« La réconciliation n’est pas encore terminée, mais le feu est éteint[60] », observait en 1957 l’historien de l’architecture Charles M. Stotz dans un éditorial pour la revue de l’American Institute of Architects. Mais le feu couve toujours sous la braise. Bien plus tard, des voix se sont de nouveau élevées contre le caractère hégémonique du Modernisme et, au cours des années 1980, les tenants du postmodernisme ranimèrent un clivage que d’aucuns pensaient définitivement relégué aux marges de l’histoire.

Notes

[1] Peut-on deviner dans les querelles entre les tenants du gothique et du classique au mitan du XIXe siècle l’embryon conceptuel des discordes opposant modernistes et traditionalistes ? C’est en tout état de cause une filiation sérieuse pour certains acteurs de l’entre-deux-guerres. En Angleterre, les architectes Albert Reginald Powys et Giles Gilbert Scott retraçaient son émergence avec celle qui avait tant animé la discipline pendant la seconde moitié du siècle précédent et plaidaient pour une troisième voie pour éviter l’impasse d’une nouvelle « bataille des styles ». Powys A. R., « Architecture: Tradition and Modernity », The London Mercury, vol. 24, n° 140, juin 1931, p. 168 : « The protagonists of both parties argue nearly as fiercely as did the heroes of the last century when “The Battle of Styles” was vigorously and uselessly waged » ; Stowell K. K., « As it Looks to the Editor », American Architect, vol. 147, n° 2639, novembre 1935, p. 58 : « […] the Classic versus the Gothic struggle of my grandfather’s time […]. The present controversy of Modernism versus Traditionalism is the same issue under other names ».

[2] L’expression « style international » est consacrée par Henry-Russell Hitchcock et Philip Johnson dans The International Style, Architecture since 1922 (New York, Norton, 1932).

[3] En 1928, le jeune historien de l’architecture Henry-Russell Hitchcock évacuait déjà la question des « anciens traditionalistes » (Old Traditionalists), mis de côté au profit des deux groupes émergents de la discipline architecturale : d’un côté les « nouveaux traditionalistes » (New Traditionalists), de l’autre les « nouveaux pionniers » (New Pioneers). Hitchcock soulignait alors les valeurs polarisées qui marqueront l’entre-deux-guerres, entre tendances décoratives et constructives, anciens et nouveaux matériaux, culte du passé et du futur. Voir : Hitchcock H.-R., « Modern Architecture: The Traditionalists and the New Tradition », The Architectural Record, avril 1928, p. 337-349 ; Hitchcock H.-R., « Modern Architecture: The New Pioneers », The Architectural Record, mai 1928, p. 453-460.

[4] Dans New York 1930 (1987), deuxième volet de la monumentale série dirigée par Robert A. M. Stern sur l’architecture new-yorkaise, l’architecte traditionaliste dut se conformer aux exigences de la modernité, adapter l’héritage de l’architecture classique à l’esprit du temps. Les États-Unis, et New York en particulier, deviennent ainsi le laboratoire d’un « classicisme moderne » d’une part, et d’un « naturalisme moderne » d’autre part. Les tenants d’un historicisme archéologique abdiquent. L’attraction de la modernité et la constante recherche de sous-catégorisation propre à l’historiographie architecturale a sans doute contribué à effacer l’importance de ce dualisme. Stern R. A. M., Gilmartin G., Mellins T., New York 1930: Architecture and Urbanism Between the Two World Wars, New York, Rizzoli, 1987.

[5] Fondée en 1881 par un groupe de jeunes architectes menés par Cass Gilbert (1859–1934), l’organisation Architectural League of New York explorait ce qui était encore une activité mineure de la discipline : l’éducation à l’architecture auprès du grand public. C’est dans cet esprit pédagogique que furent organisées chaque année depuis 1886 des expositions architecturales qui ont fait de la League un lieu incontournable de la vie culturelle new-yorkaise jusqu’à aujourd’hui.

[6] L’article repose sur la consultation de périodiques spécialisés ainsi que sur l’exploitation du fonds Archive of American Art communiqué à l’auteur par le Smithsonian, New York, en particulier les documents relatifs à l’exposition Versus (1940).

[7] En 1921, une exposition d’œuvres impressionnistes et post-impressionnistes au Museum of Modern Art (MoMA) suscita l’envoi d’une circulaire de protestation anonyme aux principaux organes de presse de la ville. Les éditorialistes du Pencil Points l’interprétèrent comme une manifestation du conflit artistique entre « progressistes » et « conservateurs ». [Anonyme], « The Anonymous Protest Against the Museum Exhibition of Impressionist and Post-Impressionist Paintings », The Bulletin of the Metropolitan Museum of Art, vol. 16, 1921, p. 179 ; [Anonyme], « Modernist Art », Pencil Points, vol. 2, n° 10, octobre 1921, p. 32.

[8] Solon L. V., « Will the Exposition Regain Artistic Leadership for France? », Architectural Record, vol. 58, n° 4, octobre 1925, p. 392.

[9] Paris W. F., « Modernism », Pencil Points, décembre 1930, p. 953-956.

[10] Citons en guise d’exemples les interventions de l’architecte Louis LaBeaume (1873-1961), originaire de Saint-Louis, lors des rencontres annuelles de l’American Institute of Architects (AIA). En 1930, au cours de la 63e convention, il attribuait la crise traversée par la discipline aux désaccords entre modernistes et traditionalistes qui auraient entraîné la discipline dans un « typhon cosmique ». Six ans plus tard, en 1936, il constatait un apaisement et tira une première conclusion : « Maintenant que la fureur de la discussion semble se calmer, nous pouvons profiter de ce répit pour tenter d’évaluer les résultats de cette controverse ». [Anonyme], « Sixty-third Annual Convention of the American Institute of Architects », Pacific Builder and Engineer, vol. 36, 21 juin 1930, p. 8 ; LaBeaume L., « Appraising the Controversy », The Octagon, vol. 8, mai 1936, p. 6.

[11] Van Buren Magonigle H., « The Values of Tradition: An Address Before the Architectural League of New York », Pencil Points, vol. 10, n° 1, janvier 1929, p. 17-24.

[12] Ibid., p. 17 : « Around a few salient names of radicals and revolutionaries have gathered a host of imitators, of incompetents, of immature minds, of neurotics, of egocentrics […] ».

[13] Ibid., p. 19 : « self expression […] is quite a new doctrine ».

[14] Dans l’ordre d’apparition des diapositives : Helmle & Corbett, Bush Terminal Building (New York) ; Arthur Loomis Harmon, The Shelton Hotel (New York) ; Willem Marinus Dudok, Columbarium, (Westerveld, Hollande) ; Voorhees, Gmelin & Walker, Vesey Street Building (New York) ; Henri Sauvage, Apartment House (Paris) ; Helmle & Corbett, Apartment House – n° 1 Fifth Avenue (New York) ; Buchman & Kahn, n° 2 Park Avenue (New York) ; Dennison & Hirons, Bridgeport Bank (Bridgeport) ; Henri Pataut [sic], Apartment House (Neuilly) ; Bertram G. Goodhue, Nebraska State Capitol (Lincoln) ; Raymond M. Hood, American Radiator Building (New York).

[15] Il est toutefois délicat d’appréhender le classicisme américain comme un monolithe. Leurs modèles stylistiques à l’aube du XXe siècle puisent à des sources aussi variées que l’architecture de la Rome impériale, la Renaissance florentine ou l’architecture géorgienne, notamment dans les œuvres de la firme McKim, Mead & White, jusqu’aux sources autrichiennes et germaniques, comme chez Carrère and Hastings. Voir : Stern R. A. M., Gilmartin G., Mellins T., New York 1930: Architecture and Urbanism Between the Two World Wars, New York, Rizzoli, 1987, p. 20.

[16] D’une part, car le groupe des « traditionalistes » – si tant est qu’il ait jamais constitué un ensemble coordonné – couvrait une myriade de typologies, du style beaux-arts au Collegiate Gothic répondant à des motivations disparates ; d’autre part, car ce qui fut généralement entendu par modern, et les acceptions portées par ses variantes modernist et modernistic, évoluèrent continuellement tout au long de cette première moitié du XXe siècle, attribuées à l’Art Nouveau jusqu’à Le Corbusier en passant par l’Art déco.

[17] Ibid., p. 18 : « The names change, the battle-cries vary, but the protagonists are the same ».

[18] [Anonyme], « Two Factories: A Debate in Three Dimensions », Architectural Forum, novembre 1937, p. 389-396 : « Two Factories which pose the question …. is architecture a two- or a one-way street? ».

[19] Plus précisément, ils furent mandatés par le gestionnaire de l’administration fédérale des travaux publics en situation d’urgence (Federal Emergency Administration of Public Works) et par le directeur des achats du département du Trésor (Director of Procurement of the Treasury Department). Entre temps, ces branches furent transférées en juillet 1939 à l’agence fédérale des Travaux (Federal Works Agency), conformément au plan de réorganisation du président Franklin D. Roosevelt.

[20] Short C. W., Stanley-Brown R., Public Buildings: A Survey of Architecture of Projects Constructed by Federal and Other Governmental Bodies Between the Years 1933 and 1939 with the Assistance of the Public Works Administration, Washington, Government Printing Office, 1939.

[21] « Vs », Architectural Forum, avril 1940, p. 15 : « In presenting VERSUS, the aim of the League’s Exhibition is to exemplify dramatically the opposition between the two leading schools of American architecture. We thereby set the arena for an heroic conflict of ideas, the outcome of which we consider of first importance ».

[22] L’Architectural League désigne l’exposition comme « la première exposition définitive » relative aux deux écoles, dévoilant l’ambition d’une exposition rétrospective. « Announcement of Exhibition and Invitation to Exhibition », dans : « Current Work 1939-1940, “Versus” (March 1940), 1940 », carton n° 63, dossier n° 48, Fonds Archive of American Art, Smithsonian, New York : « The Exhibition will be publicized as New York’s first definitive exhibit contrasting the two schools ».

[23] Voir note 9. Nombreux furent les acteurs de la discipline, traditionalistes ou modernes, à exprimer une forme de lassitude à alimenter ces polémiques depuis le milieu des années 1930.

[24] Architecte de style beaux-arts, George A. Licht (1878–1960) fut le premier lauréat en 1904 du Paris Prize, calqué sur le concours du Prix de Rome.

[25] Diplômé de l’école des Beaux-Arts, Lawrence Grant White (1887–1956) était membre du cabinet d’architectes traditionalistes McKim, Mead & White succédant à son père, Stanford White.

[26] Lindley M. Franklin était un architecte de New York, membre de l’American Institute of Architects depuis 1927.

[27] Architecte et dessinateur, Otto R. Eggers (1882–1964) fut le collaborateur de John Russell Pope, prix de Rome américain 1897.

[28] Geoffrey Platt (1905–1985) était un architecte traditionaliste de l’agence Charles A. Platt, William & Geoffrey. Elle fut fondée avec son frère William Platt à la suite du décès de leur père, Charles A. Platt (1861–1933). Il devint en 1965 le premier président de la New York City Landmarks Preservation Commission.

[29] Wallace K. Harrison (1895–1981) était un architecte moderniste de l’État de New York proche de Nelson Rockefeller. Par son œuvre prolifique principalement concentré à New York, il participa activement à la transformation moderniste de la ville.

[30] Diplômé de l’école des Beaux-Arts, George Howe (1886–1955) participa avec William Lescaze à concevoir le PSFS Building (1932), premier gratte-ciel bâti aux États-Unis de style international.

[31] Edward Durell Stone (1902–1978) était un architecte moderniste, principalement remarqué en 1940 pour avoir participé à la conception du Museum of Modern Art (1930) et du Radio City Music Hall (1932).

[32] « “Versus” — Announcement and Invitation, dinner, preview and reception, Tuesday evening, March 5th. » dans : « Current Work 1939-1940, “Versus” (March 1940), 1940 », carton n° 63, dossier n° 48, Fonds Archive of American Art, Smithsonian, New York : « “Classical versus Modern”, “Conservative versus Radical”, “Artist versus Scientist”, “Old Tradition versus New Tradition”, “Pilasters versus Trylons”, “Architecture versus Building”, “the Olde versus The Nude” »

[33] « Architecture on Parade », Architectural Record, avril 1940, p. 81-83.

[34] L’exposition de New York est alors traitée conjointement avec une autre exposition située à Salt Lake City. Dédiée aux dernières innovations dans le domaine de l’habitat, l’exposition « The Modern House » s’est tenue à l’Utah State Art Center du 17 janvier au 7 février 1940.

[35] Lors d’une rencontre organisée par le T-Square Club en novembre 1928, Paul P. Cret, George Howe, Arthur Meigs et Leicester Holland échangèrent longuement sur ce thème. Deux ans plus tard, il fut de nouveau débattu lors de la 63e convention de l’American Institute of Architects (AIA) organisée en mai 1930, entre George Howe et Charles Howard Walker. « Un choix entre la liberté et l’autorité » polarisait George Howe en préambule de son discours, avant de résumer la production traditionaliste : « fragile, sentimentale, prétentieuse, malhonnête, laide ». Les échanges furent si tendus qu’un éditorial de The Architect tourna l’affrontement en ridicule par la métaphore d’un combat de coqs. Rieber H. G., « The T Square Club of Philadelphia », Pencil Points, vol. 9, janvier, n° 1, 1928, p. 51 ; « Institute Discusses “Modernism” », The Architect and Engineer, juillet 1930, p. 57 ; « Old and New Architecture », The Architect, vol. 14, juin 1930, p. 320.

[36] « Vs », Architectural Forum, avril 1940, p. 22 : « […] By mutual concessions to our differing opinions arrive at the betterment of the art we all love ».

[37] Partout le sentiment d’une victoire du modernisme sur l’ancienne doctrine semblait annoncer son inéluctable diffusion à travers le pays. Alors que l’exposition Versus s’apprêtait à ouvrir ses portes à New York, à Détroit le président de la Société des architectes de l’État du Michigan, Kenneth C. Black, se faisait l’écho un brin taquin de ce nouveau rapport de force : « Les forces du modernisme ont gagné leur bataille contre la tradition. Je crains qu’un architecte qui participerait à l’avenir à un concours national ne perde son temps à préparer un projet qui s’inspire d’un style historique. Aujourd’hui, la question n’est donc plus de savoir si le design moderne est là pour durer, mais plutôt de savoir jusqu’à quel point son développement peut être radical et rapide dans ce pays. » Black K. C., « Modern Architecture – Here Today – Whiter Tomorrow? », The Architect and Engineer of California, février 1940, p. 36.

[38] « Vs », Architectural Forum, avril 1940, p. 15 : « Bleak […] beauty goes completely by the board […] A weakness for the cult of ugliness ».

[39] Mumford L., « The Dead Past and the Dead Present », The New Yorker, 23 mars 1940, p. 54-55.

[40] Hamlin T. F., « What We Should Consider Before We Criticise », American Architect and Architecture, vol. 140, septembre 1931, p. 34 : « To the inspired traditionalist this new architecture or modern movement is like a gift from the gods, breathing new life into his creative instinct ».

[41] Hamlin T. F., « “Versus” and Other Things », Pencil Points, avril 1940, p. 224 : « Is this not, after all, a statement of the real tradition of American architecture? ».

[42] [Anonyme], « Modernism and Tradition », Pencil Points, vol. 6, n° 9, septembre 1925, p. 41 : « They have produced some designs that look more like battleships than buildings […] ».

[43] Ibid. : « The Exposition is a highly interesting conglomeration of extremist architecture from all over Europe-such an assemblage as has never before been brought together, a riot of Modernism ».

[44] Leonard L., « A Letter From Louis Leonard, A.I.A., Of Cleveland, Ohio », Pencil Points, vol. 12, n° 5, mai 1931, p. 286 : « Let the American architectural schools teach real architecture, fitting American conditions with American methods, not European school architecture, eliminate the superficial traditional methods, then we can start something ».

[45] Le French Provincial Style désigne l’importation stylistique de la maison de campagne du sud de la France, et en particulier provençal, des XVIIe et XVIIIe siècles, ou de l’idée de ce que s’en faisaient les architectes américains.

[46] French L., « The American Country House in the French Provincial Style », Architectural Forum, septembre 1928, p. 353-360. Notons la position paradoxale soulignée par Leigh French Jr à opposer le French Provincial Style au style colonial alors qu’ils sont tous deux une adaptation américaine d’une architecture européenne.

[47] Cité dans : The Architecture of William Ralph Emerson, 1833-1917, cat. exp., (Cambridge, Fogg Art Museum, 30 mai-20 juin 1969), Cambridge, Harvard University, 1969, p. 3.

[48] « Vs », Architectural Forum, avril 1940, p. 15 : « American Architects have always been bashful about expressing their architectural ideas. […] We have always bowed to Europe in the pursuit of the Arts. So again, what of our architecture, our American Architecture? ».

[49] En novembre 1936, Architectural Forum publia le résultat d’un sondage tiré d’un panel de 11 000 résidents de l’État de New York : 11% des sondés notaient une préférence pour la maison moderne, 89% pour les divers types d’architecture traditionnelle. « The Small House Preview », Architectural Forum, novembre 1936, p. 406-421.

[50] [Anonyme], « Mepkin Plantation, Moncks Corners », Architectural Forum, vol. 66, n° 6, juin 1937, p. 522 : « Many and caustic critics have claimed – with some justice – that in the domestic field the modernist fails to invest the house with a quality of graciousness quite as important as its functioning. Here is the refutation ».

[51] [Anonyme], « Building Money », Architectural Forum, février 1940, p. 136 : « Cooperative subdividing teaches Wisconsin traditionalists a lesson. Low land costs and wooded cul-de-sacs attract 89 members, 20 attractive houses » ; [Anonyme], « Cape Cod Rebellion in Architecture », Architectural Forum, juin 1941, p. 446 : « Cape Cod Rebellion in Architecture is won by Subdivider Cluett and Architect Peterson. Their five-room Modern houses shocked local traditionalists […] ».

[52] Tyler Stewart Rogers présente déjà en 1928 dans Architectural Forum le modernisme comme une mode qui « change aussi rapidement que les robes et les voitures ». Rogers T. S., « Building Future Real Estate Values Into Homes », Architectural Forum, novembre 1928, p. 773-775.

[53] Nous pouvons observer une partie des commandes de l’agence McKim, Mead & White en figure 4. Dans le sens de lecture apparaissent le Madison Square Garden II (1890, démoli en 1926), le hall du Harvard Club (1905), l’église presbytérienne du Madison Square (1906, démolie en 1919), la bibliothèque Low Memorial de l’université Columbia (1897) et enfin le University Club de New York (1899).

[54] Haskell D., « Architecture », Funk C. E., The New International Year Book: A Compendium of the Worlds Progress for the Year 1939, New York ; Londres, Funk & Wagnalls, 1940, p. 37 : « In the United States the depression ended the great skyscraper era and threw the energies of the best architects into a wholly new field, the housing. “Modernism,” which had come to dominate the architecture of England, appeared to be gaining ascendancy here ».

[55] En 1937, le magazine Life sonda ses lecteurs : 55% des votants inclinèrent leur choix vers le traditionnel. Architectural Record publia les résultats d’un sondage en décembre 1940 non loin de là en Virginie : les habitants de Richmond témoignèrent d’une légère préférence pour les « styles architecturaux de tradition ». En 1947, Julian Roth évoqua dans un ouvrage un « sondage récent » dans lequel le « type traditionnel » remporterait 56,1% des suffrages contre 43.9% pour les maisons « de style moderne ». [Anonyme], « People Like Conservative Home Architecture », Brick and Clay Record, vol. 92, n° 1, janvier 1938, p. 31 ; [Anonyme], « Richmond Citizens Favor Traditional Styles », Architectural Record, décembre 1940, p. 16 ; Roth J. (éd.), A Home of Your Own: How to Buy or Build It, New York, Greystone Press, 1947, p. 11.

[56] [Anonyme],« The Editor’s Asides », AIA Journal, janvier 1949, p. 45.

[57] Vreeland F., Opportunities in Architecture, New York, Vocational Guidance Manuals, 1946.

[58] Ibid, p. 5 : « Sizzling speeches were delivered. Feeling ran high. Several conservatives almost came to blows with the liberals. Others steadily “pooh-poohed” the revolutionary trends in architecture. But regardless of what they said, the new style remained a hot subject. And it continued to win more and more adherents ».

[59] L’exemple le plus frappant de ce phénomène est sans doute la fronde que mena Guy H. Baldwin contre Architectural Forum et son éditeur en chef, Howard Myers. En juin 1945, cet architecte de Buffalo dans l’État de New York dénonça, dans les pages du Journal of the AIA, l’emprise des modernistes sur le contenu éditorial des revues architecturales. Selon lui, des acteurs extérieurs à la profession utiliseraient les revues d’architecture comme un outil de propagande pour imposer le style international. « L’endoctrinement forcé », insiste-t-il, imprègnerait tous les domaines de la vie publique, architecture comprise. Baldwin développa ses invectives dans une lettre adressée à la rédaction d’Architectural Forum que la revue publia en octobre 1945, suivie d’une « contre-attaque » signée de la main d’une trentaine d’acteurs de la discipline architecturale en soutien à la revue. La controverse continua d’alimenter la rubrique des courriers des lecteurs d’Architectural Forum jusqu’en mai 1946. Baldwin G. H., « Letters – Attack », Architectural Forum, octobre 1945, p. 42 ; « Letters – Counter-Attack », Architectural Forum, octobre 1945, p. 42, 46, 50, 58, 62, 66 ; « Letters – Brickbats for Baldwin », Architecture Forum, novembre 1945, p. 40, 44 ; « Letters – More on Baldwin », Architectural Forum, décembre 1945, p. 48, 52, 56 ; « More Baldwin », Architectural Forum, janvier 1946, p. 40, 44 ; « Against Ince », Architectural Forum, mai 1945, p. 48 ; 52 ; Pastor J. M. F., « Back to Baldwin », Architectural Forum, mars 1946, p. 38.

[60] Stotz C. M. « Editorial », Journal of the AIA, novembre 1957, p. 385-387 : « For years the only really live subject was the controversy between the modernists and the traditionalists. They now lie down peaceably together. Integration is not yet complete, but the heat is off ».

Pour citer cet article : William Terrier, "Au crépuscule d’un clivage. Réflexions autour d’une exposition de l’Architectural League of New York (1940)", exPosition, 23 novembre 2023, https://www.revue-exposition.com/index.php/articles8/terrier-clivage-exposition-architectural-league-1940/%20. Consulté le 22 novembre 2024.

Le visible storage du Brooklyn Museum de New York : retour sur un phénomène muséographique

par Caroline Tron-Carroz

 

Caroline Tron-Carroz est docteure en histoire de l’art contemporain, chercheure associée à l’InTRu à l’Université François-Rabelais de Tours. Elle est également rédactrice en chef adjointe de la revue exPosition. Ses recherches portent essentiellement sur l’histoire de l’objet télévision dans le champ de l’art, ainsi que sur les collectifs vidéo des années 1970 aux États-Unis. Elle a récemment publié La boîte télévisuelle. Le poste de télévision et les artistes (INA, 2018).

 

 

La Henry Luce Foundation[1] soutient un programme de « Visible Storage Centers » (zones de réserves accessibles) dans les musées américains, amorcé en 1988 au Metropolitan Museum of Art, suivi en 2000, du New-York Historical Society, du Brooklyn Museum en 2005, puis du Smithsonian American Art Museum en 2006. En réalisant des réserves-galeries ouvertes au sein des grandes collections d’objets de la culture américaine, la Henry Luce Foundation répond à la redéfinition des missions des institutions américaines entreprises par l’AAM (The American Alliance of Museums) et par les professionnels des musées états-uniens au cours des années 1990. En 1994, Martha Morris, directrice adjointe du National Museum of American History, Smithsonian Institution de Washington, soulignait clairement ces missions : « collections et éducation sont les éléments essentiels pour servir le public en fournissant une expérience d’apprentissage stimulante[2] ». En 2011, Elisabeth Sommer, spécialiste des études sur les musées, défendait le même discours dans le cadre de son introduction au numéro du Journal of Museum Education consacré à la conservation des objets et des services au public, rappelant les objectifs des musées américains centrés sur « l’éducation et l’expérience du visiteur[3] ».

Ce resserrement des actions des institutions américaines sur les activités scolaires et grand public a amené les différents acteurs des musées à développer des espaces aptes à attirer l’attention du public, à susciter une visite des collections hors des sentiers battus, reposant sur une nouvelle scénographie de présentation des objets. C’est dans cette optique que le visible storage du Brooklyn Museum, situé au cinquième étage du bâtiment, dans le prolongement de l’espace consacré aux collections permanentes des American Identities, a spécifiquement été conçu, en s’accordant aux exigences de découverte « par l’expérience » d’un musée d’art et d’histoire.  Le visible storage, partie aménagée des réserves du musée, se présente sous la forme d’une galerie d’étude servie par une signalétique efficace qui ne stoppe pas le visiteur dans son parcours. Sans hiérarchie manifeste d’appréciation, la réserve visible livre aux visiteurs une collection riche et composite : de grandes vitrines transparentes cerclées de montants en aluminium mettent en évidence, sur de larges étagères, des objets relevant principalement de la culture américaine de différentes époques et factures, exposés selon des séries cohérentes : céramiques, design contemporain, mobilier contemporain, tableaux La configuration révèle le caractère hétérogène de la collection, offrant des rapprochements inattendus entre les objets, à l’image de la partie consacrée au mobilier contemporain qui réunit dans une même vitrine une télévision Philco modèle Predicta de 1958, un fauteuil de Gideon A. Kramer réalisée en 1962 et un bureau à trois pieds, aux formes sinueuses, dessiné en 1977 par Wandell Castle[4], autant d’objets ordinairement présentés au sein des collections de musée par catégorie ou par date.

À côté des caissons transparents, on trouve plusieurs types de rangement : des panneaux-cimaises destinés aux peintures, de larges tiroirs métalliques accessibles au public consacrés aux objets variés de la collection des Americas, des sculptures en ronde-bosse ou bien des objets bénéficiant de vitrines indépendantes, telle la bicyclette Spacelander conçue en 1946 par Benjamin J. Bowden, valorisée dans le cadre du visible storage pour son design novateur et profilé.

Ainsi, aux yeux des visiteurs, cette section des collections permanentes met au – devant « l’arrière-musée », c’est-à-dire les espaces de stockage des collections habituellement excentrés, isolés du regard du grand public et réservés aux personnels des musées ainsi qu’aux chercheurs. L’idée d’être au cœur même de ce qui constitue l’histoire des collections d’un musée participe à une observation inédite des objets, mais qui, en réalité, maintient le visiteur dans une projection récréative de la réserve. Ce qui compte, c’est l’expérience : avoir eu la sensation d’avoir pris part pour quelques instants aux équipes de conservation et au quotidien du musée. L’efficacité du dispositif repose sur une mise en scène maîtrisée, mais aussi sur des outils numériques mis à disposition du public, comme les tablettes tactiles attenantes aux caissons transparents, connectées à l’inventaire complet des collections d’objets, également en consultation sur le site Internet du Brooklyn Museum[5].

Transformant le néophyte d’un jour en collectionneur curieux, ces espaces habilement agencés semblent pallier le dialogue épineux, longtemps jugé irrésolu, qui consisterait à valoriser l’ensemble des collections d’un musée tout en assurant confort et cohérence de visite, du moins c’est ce que sous-tend Kimberly Orcutt dans son article  « The Open Storage Dilemma[6] ». Portée par sa fonction de commissaire au sein de la Henry Luce Foundation of American Art du New-York Historical Society Museum[7], Kimberly Orcutt pointe les avantages de ces réserves-vitrines ouvertes au public, attirant l’attention sur la part innovante de ces dispositifs au sein des pratiques muséales traditionnelles, à condition qu’ils soient secondés par des interfaces-écrans et des textes didactiques à destination des publics. L’auteur adresse ainsi un véritable plaidoyer en faveur des nouvelles technologies dans leur capacité à développer une médiation auprès du public, à révéler les objets cachés comme à produire une information sur les collections sans cesse réactualisée. À l’image des réflexions de l’article de Kimberly Orcutt, les réserves-galeries soulèvent des questionnements sur la muséographie, la préservation des collections relatives à la culture et à la civilisation, mais aussi à leur promotion (plus ou moins aisée) auprès du grand public.

Si, comme le mentionnait Dominique Ferriot, directrice du musée des Arts et Métiers à Paris (1988-2000), la réserve est le « poumon indispensable à la vie du musée […] le lieu d’un partenariat nécessaire avec les professionnels des musées autant qu’un lieu de conservation d’une mémoire toujours plus active[8] », ses espaces rendus accessibles, comme ceux du Brooklyn Museum, poussent plus loin l’investigation, en prenant le parti de montrer au grand public des objets ordinairement stockés. Près de 400 sont exposés dans les salles des collections permanentes, plus de 2000 sont présentés dans le visible storage. Héberger en nombre les objets, comme c’est le cas au Brooklyn Museum, permet aussi une nouvelle approche muséographique des réserves pour assurer la mission prioritaire des musées, c’est-à-dire réfléchir sur la manière dont les directeurs de départements peuvent faire circuler et valoriser leurs collections. Épaulée de surcroît par une mise en exposition attrayante, la galerie ouverte rompt en tout point avec la vision passéiste des réserves dépeintes de manière caricaturale par Eliane De Wilde, ancienne conservatrice en chef des musées royaux des Beaux-arts de Belgique :

« Aucun grand musée n’a jamais réussi à exposer de manière permanente toutes les œuvres qui lui appartiennent. Ce que le visiteur peut voir se limite à une toute petite partie de la collection. Les caves ou les greniers qui recèleraient d’innombrables œuvres d’art ont toujours eu, souvent à juste titre, une mauvaise réputation. Le public pense que dans ces lieux invisibles sont littéralement enterrées des œuvres sans valeur artistique et, de plus, dans de mauvaises conditions[9]. »

Si les réserves contemporaines ont depuis évolué vers des magasins de stockage et des équipements adaptés au récolement, à la recherche et la restauration d’objets, le visible storage du Brooklyn Museum contribue à communiquer une image qualitative de conservation, avec notamment des conditions optimales de maintien de température et d’humidité, grâce aux vitrines de protection qui renforcent ce point de vue. Face aux objectifs d’exposition et de conservation, l’appellation « Visible Storage. Study Center » rappelle également que le lieu s’adresse aussi bien aux visiteurs du musée qu’aux chercheurs confirmés. Malgré les efforts des conservateurs pour exposer un maximum d’objets, le visiteur est toujours confronté à une sélection précise.  Dans un article paru dans le New York Times, consacré à l’ouverture en 2005 du visible storage du Brooklyn Museum, la critique Roberta Smith[10] précise qu’il s’agit là d’une forme réduite de réserve-galerie accessible, raison pour laquelle elle est baptisée « visible storage », et non « open storage ». Il est vrai que le visiteur ne découvre que la partie visible, sans nécessairement prendre conscience de la quantité d’objets déposés dans les réserves fermées au public. Entre phénomène muséographique et valeur scientifique, les Visible Storage Centers, sans véritablement rendre compte des politiques d’acquisition qui viennent enrichir les collections, font partie intégrante des stratégies émanant des directions des musées pour conduire le visiteur vers la découverte d’un patrimoine culturel toujours plus prolifique, servi par un réseau de documentation numérique précieux, et surtout, de puissants moyens financiers.

De tels enjeux muséographiques ne sont pas mésestimés en France. En concevant, en 1937, le musée national des Arts et Traditions populaires à Paris, Georges-Henri Rivière avait l’ambition d’exposer à tous les visiteurs la galerie d’étude ordinairement réservée à un public de chercheurs, d’étudiants et d’artistes, un projet ambitieux qui fut concrétisé en 1972 jusqu’à la fermeture définitive du musée en 2005. Aujourd’hui, le Musée du Quai Branly à Paris a essentiellement orienté sa scénographie à partir de parois de verres qui proposent une approche plus ouverte des collections mais aussi des réserves, notamment visibles dès le hall central, mais fermées à la visite. D’autres institutions comme le musée de la Civilisation euro-méditerranéenne (MUCEM) à Marseille, qui amplifie sa politique d’exploration des collections, propose au public des visites sur réservation des réserves hors site (Centre de Conservation et de Ressources).

 

Notes

[1] Henry R. Luce (1898-1967) est une personnalité influente de la presse américaine ; il a en autres cofondé et dirigé la rédaction du Time Magazine. La fondation Henry R. Luce, créée en 1936, soutient de nombreux projets dans plusieurs domaines, dont l’art américain.

[2] Morris O. M., « From Vision to Reality: Planning for Collection Storage », Les réserves dans les musées, actes du colloque international (Paris, musée national des Techniques, Conservatoire national des arts et métiers, 19-20 septembre 1994), Paris, musée national des Techniques, Conservatoire national des arts et métiers, 1995, p. 35.

[3] Sommer E., « Introduction: Protecting the Objects and Serving the Public, an Ongoing Dialogue », Journal of Museum Education, volume 36, n° 2, été 2011, p. 129.

[4] Section Contemporary Furniture, caisson transparent n° 9, étagère F.

[5] Inventaire complet de la collection d’objets du « Visible Storage. Study Center » du Brooklyn Museum, en ligne : http://www.brooklynmuseum.org/opencollection/research/luce/ (consulté en novembre 2014).

[6] Orcutt K., « The Open Storage Dilemma », Journal of Museum Education, volume 36, n° 2, été 2011, p. 209-216.

[7] Kimberly Orcutt a depuis quitté  ce poste. Actuellement la collection de la Henry Luce Foundation of American Art du New-York Historical Society Museum, sous forme de réserves ouvertes, est fermée pour rénovation jusqu’en décembre 2016.

[8] Ferriot D., « Avant-propos »,  Les réserves dans les musées, actes du colloque international (Paris, musée national des Techniques, Conservatoire national des arts et métiers, 19-20 septembre 1994), Paris, Musée national des Techniques, Conservatoire national des Arts et Métiers, 1995, p. 4.

[9] Le musée caché : à la découverte des réserves, cat. exp., Bruxelles, Musées royaux des Beaux-arts de Belgique, 1994, p. 9.

[10] Smith R., « Works, the Whole Works and Nothing but the Works », New York Times, 14 janvier 2005, en ligne : http://www.nytimes.com/2005/01/14/arts/design/14smit.html (consulté en novembre 2014).

Pour citer cet article : Caroline Tron-Carroz, "Le visible storage du Brooklyn Museum de New York : retour sur un phénomène muséographique", exPosition, 2 mai 2016, https://www.revue-exposition.com/index.php/articles/tron-carroz-visible-storage-brooklyn-museum-new-york/%20. Consulté le 22 novembre 2024.